Vi är bäst ! de Lukas Moodysson

A priori, la bande-annonce de Vi är bäst ! ne nous disait rien qui vaille. À l’Esprit de Narvik, on n’est pas vraiment fan des comédies adolescentes, fussent-elles suédoises, et ce coup-ci, nous avions tout faux. Racontant l’entrée en adolescence de trois jeunes filles, leur affirmation personnelle face au regard des autres (les garçons un peu plus âgés notamment) à travers la création d’un groupe de rock punk à Stockholm au début des années 80, Vi är bäst ! est un film fin et sensible, attachant.

Comme souvent dans le cinéma scandinave, la frontalité des oppositions et la violence des sentiments cohabitent avec des réalités tendres et nuancées.De ce point de vue, Vi är bäst ! nous a semblé très proche de deux autres très beaux films scandinaves : Tro, håb og kærlighet (Twist and shout, du danois Bille August, réalisé 1984) et Barnvagnen (Le Péché suédois du suédois Bo Widenberg, réalisé en 1963). On retrouve ici des thèmes communs à ces deux films : le rock comme émancipation et affirmation de soi, le regard critique mais tendre, d’une compassion contenue mais réelle, envers des parents pris dans leurs propres difficultés à vivre, la dureté parfois implacable de la société adulte (qui frise par moments l’inhumanité), les chagrins d’amour et cet « autre » qui n’est pas au rendez-vous, et la force de l’amitié – elle aide à grandir, dans tous les sens du terme.

Les parti-pris de réalisation sont en revanche très différents des films de Bille August et de Bo Widenberg. Vi är bäst ! ressemble un peu à ces films du Dogme. La caméra est inquiète, vive, alerte, instable. Mais contrairement aux films du Dogme, il s’agit moins des conséquences d’un choix technique et économique (pour Lars von Trier et ses amis, filmer en vidéo, caméra au poing permettait de s’affranchir de contraintes de production), que d’un choix plus cinématographique : transmettre au spectateur ce climat de fébrilité propre à l’âge des héroïnes. Le montage souvent tendu et saccadé vise moins l’efficacité narrative (comme dans Festen ou Idioterne) qu’à nous mettre en empathie avec les personnages et leur inquiétude. Quelques plans, absolument magnifiques, tournés sur les toits de grands ensembles de Stockholm, raccrocheront discrètement ce film à l’héritage prolétarien suédois, et… achèveront de nous convaincre.

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