Trois questions à Gabriele Rossi, cinéaste

– Vous avez choisi d’adapter une pièce de Strindberg, Le Pélican. Que représente pour vous cette histoire, en quoi vous était-il nécessaire de la porter à l’écran ?

Pour mon deuxième film, je voulais me mesurer avec l’adaptation d’une œuvre préexistante. Plus en détail, je voulais adapter une pièce de théâtre. À ce moment là, il y avait une phrase de Jacques Rivette qui revenait souvent à mon esprit : « Quand il y a le théâtre, on est portés ». C’est alors que j’ai rencontré l’œuvre de Strindberg. Je crois qu’inconsciemment Ingmar Bergman m’y a invité.
L’intérêt de porter à l’écran Le Pélican, en particulier, résidait pour moi dans sa thématique principale : la remise en cause des liens de sang, lorsqu’ils demeurent imperméables à la reconnaissance de l’autre, en tant qu’être humain. Cette pièce de Strindberg se prêtait merveilleusement à mon intention, avec ses atmosphères lugubres habitées par des présences invisibles et dérangeantes. J’ai immédiatement ressenti, dans ces fantômes, l’expression d’un refoulement des émotions qui emprisonne les personnages de ce drame, les empêchant de communiquer avec eux-mêmes et, par reflet, avec l’autre.

– Contrairement au mouvement du Dogme qui s’était emparé de la vidéo comme d’un moyen de raconter des histoires en limitant l’obstacle du financement, vous avez choisi de tourner en 35 mm, panoramique, voire en studio. Pourquoi ce retour au cinéma le plus traditionnel dans sa conception ?

Je trouve le digital également intéressant ; j’ai tourné mon premier film en numérique et je l’utiliserai encore si le sujet s’y prête. Le choix de tourner en analogique (16 ou 35 mm) est strictement lié à ce projet et à cette histoire en particulier. Je voudrais que la narration puisse atteindre la dimension du mythe, qui est intemporel. Il me semble qu’aux yeux du spectateur, la pellicule véhicule parfaitement ce basculement de la dimension du passé à celle d’un éternel présent.
Avec Gerald Gebelin, le directeur de la photographie, nous nous sommes longuement interrogés sur ce point. Nous avons évoqué le Dogma, lorsqu’on s’est posée la question d’une alternative si nous n’étions pas dans les conditions de nous permettre l’analogique. En particulier Festen, de Thomas Vinterberg. Ce film a été tourné en 1997. La technologie digitale de l’époque n’avait pas encore atteint le degré de perfection visuelle d’aujourd’hui. L’image avait encore une texture imparfaite, un mystère. C’est curieux parce qu’en écrivant ces quelques lignes, je réalise que la thématique du film et son côté visuel sont strictement liés. Ceci est un film contre l’idéal, ce fantôme de perfection absolue qui semble hanter l’être humain, dans tous les domaines. Mais il y a une beauté suprême dans l’imperfection.

– Vous faites appel au financement participatif. Pouvez-vous expliquer cette démarche pour nos lecteurs ?

Le système du financement participatif, ou crowdfunding, est très simple. En fait, chacun peut devenir producteur du film. Il suffit d’aller sur la plateforme (http://fr.ulule.com/pelican-film/) et de faire un don. Les dons vont de 10 à 1000 euro et pour chaque don il y a une contrepartie. Nous les avons choisies avec soin. Elles seront distribuées lors de la première du film, à Paris, à laquelle tous les producteurs seront invités. Il y a aussi une autre forme de soutien, également précieuse, qui est celle de partager notre appel dans votre réseau.

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