Slow art est d’abord une très belle exposition, de celles qui vous prennent immédiatement par la main et vous transportent dans une féérie esthétique, un émerveillement qui se poursuit d’objets en objets, ou plutôt d’œuvres en œuvres. D’ailleurs, tout est là : œuvres ou beaux, très beaux objets ? Les deux, min kaptein. Slow art est d’abord un manifeste concret, pour la belle ouvrage et peut-être contre le concept éthéré, immatériel – la tentation de l’idée, narcissique et toute puissante. Slow art nous rappelle que l’art n’est jamais qu’un artisanat qui a bien, très bien tourné, entre infinie patience et fantaisie ludique. L’œuvre n’existe que par l’obstination talentueuse, l’engagement et la probité de ses ouvriers.
Un bref commentaire accompagne l’exposition. Il est également lumineux. Le commissaire de l’exposition a bien sûr choisi d’insister sur la patience des artistes en l’opposant à la productivité industrielle. Cette dernière dévalorise l’objet, son créateur, et probablement son consommateur. L’artiste, lui, réinvente l’objet – et nous invite à faire de même. Deux points sont également évoqués, fondamentaux : la dimension de l’échec dans le processus d’apprentissage et de création (l’artiste est celui qui – comme l’amoureux chez Roland Barthes – affirme la valeur et la nécessité de recommencer), échecs qui sont autant de préalables à la connaissance intime de la matière, et la part d’enfance et de jeu dans l’invention et la subversion de l’artiste. Loin de toute digression savante ou obscure, ce bref texte accompagne le visiteur et soutient sa rencontre avec ces œuvres, répétons-le, merveilleuses.
On se sentirait presque coupable de préférer certaines œuvres à d’autres, tant chaque artiste sait ici émouvoir le spectateur, et nous inviter dans son monde. Mais, c’est vrai, la broderie de Suzy Strindberg, à la fois minuscule et immense, vaudrait à elle seule le déplacement.
Slow art, à l'Institut suédois, 11 rue Payenne, Paris 3e, entrée libre, du mardi au dimanche de 12h à 18h (jusqu'au 13.07.2014) Lire également l'article de Véronique Lorelle sur son blog, Slow latitudes