Le manuscrit des chiens : Quelle merveille ! de Jon Fosse (mise en scène Christophe Laluque)

Christophe Laluque et la compagnie Amin poursuivent leur exploration de l’univers du poète et dramaturge norvégien, Jon Fosse, à travers une quatrième adaptation de l’un de ses textes destinés à la jeunesse. Il s’agit cette fois de la mise en scène du Manuscrit des chiens II : Quelle merveille ! Une fable sur la solitude, l’amitié et la découverte de l’amour.*

La pièce est censée s’adresser au jeune public, mais il est d’emblée évident que la beauté du texte, son thème universel, le jeu à la fois rigoureux, retenu et néanmoins généreux des acteurs, en font un spectacle destiné à tous. Tout théâtre, d’ailleurs ne s’adresse-t-il pas à notre part d’enfance, à notre capacité à « entrer dans le jeu » qui nous est proposé. On dirait que je suis un chien, on dirait que tu y crois, alors écoute mon histoire… semble nous dire la troupe.

Christophe Laluque a su transmettre à ses acteurs son amour du texte de Jon Fosse, et retenu toute tentation de « cabotiner » dans ces rôles de… chiens. La tendresse, la fragilité, la maladresse, le courage de vivre et d’aimer sont pourtant parfaitement incarnés, et jamais la pièce ne verse dans une sécheresse éthérée ou déclamatoire. On regrettera peut-être que l’épure de la mise en scène prive ce spectacle de tout spectaculaire, et de pratiquement tout effet visuel : la scène est nue, absolument nue. Il y a ici un évidemment hommage à la dimension hypnotique du texte de Jon Fosse, et à notre propre capacité de projection, d’hallucination. Christophe Laluque respecte infiniment l’œuvre de Jon Fosse dont il sait patiemment faire émerger le texte sur une scène, il respecte les acteurs avec lesquels il travaille, les amenant à une intensité maîtrisée et nue, il respecte le public, y compris le plus jeune, en croyant à sa capacité de projection et d’imagination. Ce respect, cette éthique, ce refus de l’esbrouffe nous renvoient évidemment aux valeurs de la Scandinavie. Mais il n’est pas impossible que quelques effets scéniques supplémentaires eussent contribuer à rythmer et ponctuer le spectacle.

Au théâtre Dunois, jusqu’au 15 juin.

(À l’issue de la représentation du 7 juin, une table ronde réunissait plusieurs spécialistes du théâtre de Jon Fosse. L’enregistrement des échanges est disponible sur le blog du théâtre Dunois) : http://theatredunoisblog.wordpress.com/2014/06/08/la-singularite-de-lecriture-de-jon-fosse/

* texte disponible aux éditions de l’Arche

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