La Norvège face à l’afflux de réfugiés

4 900, c’est le nombre de demandeurs d’asile qui sont entrés en Norvège pour le seul mois de septembre 2015*. C’est deux fois plus qu’en août dernier et quatre fois plus qu’en septembre 2014. Alors que les autorités tablaient en début d’année sur un chiffre annuel de 11 000 réfugiés, la prévision a dû être revue à la hausse et le ministère de l’Intégration envisage maintenant, officiellement, 16 000 entrées. Mais on évoque officieusement le chiffre de 25 000 réfugiés pour la seule année 2015… Une rallonge budgétaire de 225 millions de couronnes pour faire face à cet afflux a d’ors et déjà été approuvée, mais le premier ministre, Erna Solberg, a déclaré que le coût final pour la Norvège pourrait atteindre le milliard.

Comme l’ensemble des pays européens, la Norvège a été surprise par la décision unilatérale d’Angela Merkel d’ouvrir son pays aux demandeurs d’asile et l’afflux consécutif des réfugiés dans toute l’Europe.

Depuis des années, le royaume pratiquait une politique généreuse d’attribution de visas depuis ses consulats à l’étranger, mais était relativement protégé du fait accompli migratoire par sa situation septentrionale (le protocole de Dublin obligeant les demandeurs d’asile à faire leur demande dans le premier pays où ils étaient enregistrés, souvent à l’exact opposé de l’espace Schengen, c’est-à-dire au sud-est de l’Europe). Les événements d’août ont pulvérisé cette protection géographique et légale et les Norvégiens savent désormais qu’ils vont devoir faire face à un afflux des demandeurs d’asile en 2016. On parle de 30 à 60 000 réfugiés pour l’année prochaine et les autorités compétentes ont d’ors et déjà établi différents scénarios : on s’y inquiète moins du nombre total de réfugiés que de phénomènes d’arrivées massives sur une courte période et si la police reconnaît avoir été largement débordée il y a quelques semaines, elle assure que la situation est désormais sous contrôle… et devrait le rester.

Pour cela, l‘ensemble des communes du territoire norvégien est appelé à renforcer et élargir son dispositif d’accueil, mais ici et là, les administrations locales font part de leur désarroi face à l’ampleur et à la complexité du phénomène. En effet, il ne suffit pas de mettre des logements à disposition, voire de les construire à la hâte, mais aussi d’accueillir dignement ces personnes, c’est-à-dire de les intégrer à une société exigeante tant en terme de pratique de la langue, de compétences professionnelles, que de savoir-être social. On peut penser, sans excès de pessimisme, que passer des camps de réfugiés de Turquie à la très confiante et policée société norvégienne nécessitera patience et courage – de part et d’autre. Si Oslo, Bergen et Trondheim disposent des savoir-faire en termes d’ingénierie administrative et sociale et en termes d’effectifs spécialisés, il n’est pas certain que des communes plus rurales soient tout à fait armées pour relever un tel défi.

Pour l’instant, la venue des réfugiés ne semble pas soulever d’opposition et l’heure est à la générosité, dans une unanimité toute norvégienne. Ainsi, le mois dernier, on devait faire la queue à Oslo pour pouvoir donner habits et jouets aux migrants… Même au niveau politique, le Fremskritt, parfois qualifié en France de « parti populiste et xénophobe » et qui fait partie de la coalition au pouvoir, semble jouer le jeu de la solidarité gouvernementale et accompagne sans critique la gestion de la crise. Le site internet du parti n’évoque plus du tout la question migratoire… mais jusqu’à quand ?

 * le chiffre de 4 900 réfugiés en un mois en Norvège correspondrait en France à une arrivée 65 000 personnes

3 comments for “La Norvège face à l’afflux de réfugiés

  1. LANNES PATRICK
    8 octobre 2015 at 0 h 11 min

    Je viens de lire avec intérêt votre article que je trouve concis et nuancé car il fait bien le point sur la spécificité de l’accueil norvégien des migrants en terme d’intégration linguistique, sociale, professionnelle… arguant d’une coopération à priori plus aisée si elle s’avérait commune – migrants / pays d’accueil / pays d’accueil / migrants : on sent ici-même pointer l’optimisme, une volonté de réussir cette intégration. MAIS cette dernière serait inopérante sans une action politique aussi efficace que durable – en ville et plus incertaine en milieu rural – et qui restera fragilisée si elle ne rencontre pas à terme l’accord pérenne de cette composante extrême – le ” parti populiste et xénophobe ” – du gouvernement norvégien… Oui une telle interrogation, et inquiétude, est nécessaire pour l’avenir des migrants au sein de ce pays à l’hospitalité à priori bienveillante.

    P. L.

  2. admin
    8 octobre 2015 at 7 h 34 min

    Oui, pour ma part je ne crois pas que l’obstacle vienne du Fremskritt ou de son électorat en tant que tel (les “bons” et les “mauvais” Norvégiens). Je crois que l’intégration sera difficile et douloureuse à la fois parce que la Norvège n’est pas de tradition syncrétique (comme la France ou l’Italie), et parce que la différence culturelle entre accueillants et accueillis est énorme. J’aime la Syrie où j’ai passé des jours merveilleux avant la guerre, mais je redoute vraiment le choc entre la mentalité, les habitudes syriennes et la société norvégienne.
    Mais je crois que lorsque l’émotion sera passée… et que les premiers ratés ou faits divers apparaîtront, alors le Fremskritt redonnera de la voix…

  3. Jens
    26 octobre 2015 at 13 h 53 min

    Il y a une réelle inquiétude face à la saturation. Jusqu’où, jusqu’à quand. Nous avons bon cœur, mais il ne faudrait pas non plus que tout ceci se transforme en un genre d’invasion.

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